Publié le 2 mars 2021
La mesure des pesticides en air extérieur fait l’objet d’un suivi réalisé par les Associations Agréées de Surveillance de la Qualité de l’Air depuis le début des années 2000. Les résultats sont regroupés au sein d’une base nationale qui contient aujourd’hui plus de 700 000 données d’analyse. En revanche, la contamination de l’air intérieur par les pesticides, notamment par les usages biocides ou antiparasitaires (humain et vétérinaire) est beaucoup moins documentée.
Bien que les tonnages concernés soient nettement moins élevés, l’utilisation des produits pesticides dans des lieux clos comme les habitations peut conduire à des phénomènes d’accumulation favorisés par des conditions faiblement dispersives. L’objectif du projet, mené dans le cadre du PRSE de Nouvelle-Aquitaine, est d’évaluer la contamination de l’air des logements par les substances actives des molécules insecticides, fongicides ou herbicides. Pour cela, 125 prélèvements d’air intérieur ont été réalisés sur une vingtaine d’habitations de l’agglomération de La Rochelle. La liste des substances recherchées a été constituée à partir des molécules les plus courantes en usage domestique ainsi que les molécules les plus détectées dans la littérature à l’intérieur des logements (air, poussières, …).
Sur les 35 molécules recherchées, 18 ont été quantifiées dont : 4 fongicides, 3 herbicides, 10 insecticides, 1 synergisant. Bien que la question des pesticides dans les logements soit aujourd’hui encore peu étudiée, cette campagne menée sur l’agglomération de La Rochelle montre que les concentrations détectées dans l’air intérieur peuvent être nettement supérieures aux niveaux généralement mesurés en air extérieur. Ainsi 37% des valeurs quantifiées sont supérieures à 1ng/m3 en air intérieur, contre seulement 14 % en air extérieur pour la campagne de mesures de 2019.
Parmi les molécules recherchées, ce sont les insecticides qui présentent les plus fortes valeurs, en particulier ceux utilisés contre les termites. Aucun des logements étudiés n’a déclaré d’opération de désinsectisation dans les 2 ans précédant l’étude, il s’agit donc de relargage issu de traitements plus anciens.
Les 3 molécules aux concentrations les plus fortes sont trois insecticides aujourd’hui interdits d’utilisation : lindane, endosulfan et dieldrine. Ils sont encore présents dans certains logements avec des niveaux élevés.
Parmi les molécules détectées, certaines peuvent ne pas avoir été utilisées par les habitants des logements, mais être relarguées à partir de meubles ou tissus traités avant leur achat. C’est le cas potentiellement de la diphénylamine, du tolylfluanide ou de la perméthrine. La perméthrine appartient également à une autre catégorie de contamination potentielle : les traitements antiparasitaires vétérinaires ou humains, où l’on trouve aussi le fipronil.
Les herbicides ont été très peu détectés dans cette étude, malgré la présence d’un jardin attenant à la résidence dans 68% des logements. Seul le chlorprophame, utilisé notamment comme anti germinatif, a été détecté sur les ¾ des logements étudiés. Il ne s’agirait pas là d’une utilisation par les résidents mais de l’introduction dans le logement d’un produit traité avant son achat.
Cette étude locale porte sur un nombre limité de logements, ce qui ne permet pas d’extrapoler les résultats sur une population plus grande. Mais les niveaux parfois élevés détectés, ainsi que le nombre de molécules différentes retrouvées incitent à aller plus loin dans l’étude des molécules pesticides présentes dans l’air des logements.
La nature des molécules détectées montre qu’il ne faut pas se focaliser uniquement sur l'utilisation directe et courante des biocides par les résidents, mais s'intéresser aussi aux utilisations et expositions indirectes de biocides via les tissus, meubles, denrées qui ont été introduits dans les logements ou via des traitements de désinsectisation réalisés par le passé.